Ces derniers temps, Alice était très préoccupée par ce qu'elle mangeait. C'était inhabituel parce qu'elle n'était pas spécialement difficile à ce sujet, en temps normal. Cependant, elle avait l'intention de démarrer un régime improvisé. Elle ne se trouvait pas assez robuste et pensait sérieusement que cela pourrait lui coûter cher plus tard ! Alice songea alors, en premier lieu, à entamer un régime express afin de se rapprocher du physique de rêve.

La Blondinette se rendit donc à l'épicerie avec sa liste de courses (elle avait réussi à duper le grand-père pour y aller seule, comme une grande; avec le pépé à l'entrée mais seule quand même). Son attention se focalisait d'abord sur la viande parce qu'elle n'en mangeait pas assez, selon elle, ce qui expliquait sa constitution initiale. Elle ne mit pas longtemps à trouver le rayon mais prit peur en essayant de saisir une barquette de viande. C'était lourd ! Elle peinait à le porter et eut l'impression d'accomplir un exploit en parvenant à le mettre dans son chariot (déjà presque plus haut qu'elle) ! Elle soupira un instant puis consulta sa liste de courses avant de remarquer un grand monsieur. Vous savez, c'était le genre de monsieur qu'on avait, bizarrement, pas l'habitude de s'imaginer en train de faire ses courses pénard. Alice fut subjuguée par la chose et elle eut une idée lumineuse. Le monsieur (de dos) était vraiment baraqué ! Il était bien bâti et Alice se disait qu'il pourrait peut-être la conseiller au niveau de son régime alimentaire. Elle s'empressa d'emboîter le pas de l'inconnu afin de l'interpeller et ne se fit pas prier pour l'accoster.

- Bonjour monsieur ! Excusez-moi de vous déranger mais, est-ce que vous pourriez-

La Blondinette s'arrêta net lorsqu'elle vit le visage du monsieur. Elle était surprise et eut un mouvement de recul en l'observant. C'était étrange, différent. Elle aurait dû avoir peur mais des idées et pensées bizarres envahirent sa tête. Puis elle réalisa qu'elle n'avait pas terminé sa phrase.

- ...me dire ce que vous avez l'habitude de manger ?

Elle pondit ça sans trop réfléchir, trop fascinée par la tête de l'inconnu !

Dans la tête d'Alice : Monsieur = Homme-Robot = Révolutionnaire = Fort = Ep-2 = Génial. Elle s'imaginait des tas de trucs improbables, notamment de ces trucs qu'on disait sur EP-2 et ses expérimentations. Alice fut encore plus intriguée lorsqu'elle entendit la voix de l'inconnu baraqué. C'était quelque chose de très particulier pour elle ! On aurait pu voir des étoiles scintiller dans ses yeux amadoués. Elle était réellement émerveillée par cet homme imposant et extraordinaire ! Puis elle revint sur terre pour partager son étonnement vis-à-vis de la réponse du monsieur.

- Mais alors c'est la soupe qui donne des muscles ? Pas la viande ?

Elle prit un air sérieux et se frotta le menton en signe de réflexion intense. Elle était persuadée que la viande était l'élément clé de la réussite. Néanmoins, elle nota les bons conseils du monsieur dans un coin de sa tête.

"Pourquoi cette question ma petite ? Et où sont tes parents ?"

Alice préféra éviter le sujet des parents et se contenta plutôt de lui exposer son projet.

- Pourquoi ? Eh bien... je voudrai être baraquée comme vous parce que, heu, j'aspire à faire partie de l'armée et...

Elle n'arrivait pas à terminer sa phrase. Elle était intimidée par le monsieur, ignorant ce qui pouvait le vexer ou non. Elle n'osait pas fixer son visage et baladait son regard dans tous les sens pour l'éviter tout en parlant. Le monsieur n'avait pas l'air hostile mais il inspirait le respect et la petite Blondinette ne voulait pas paraître trop ridicule. Surtout qu'en fait, elle avait envie de lui demander pleins d'autres trucs !

Monsieur rauksor avait l'air d'insister vraiment pour savoir où étaient les parents. Cependant, ça n'était pas le genre de truc dont elle pouvait parler franchement, parce que cela lui procurait toujours un peu de peine; elle ne savait pas comment aborder la chose. Dire simplement que ses parents étaient morts ? Le monsieur aurait pu comprendre sûrement, mais Alice ne voulait pas en parler quand même. La Blondinette fronça les sourcils un moment avant d'éluder à nouveau la question. Alice était flattée par ce que sa superstar venait de lui dire. Elle considérait qu'il était sincère et qu'il ne disait pas ça juste pour lui faire plaisir.

- V-vous le pensez vraiment, monsieur !? Vous croyez que je pourrai éventuellement devenir Gouverneur ???

Naïveté d'enfant ! Alice ne savait pas quoi faire exactement plus tard, mais elle savait que l'armée serait son destin. Alors forcément, entendre des compliments pareils venant d'un super-homme, ça donnait de la confiance ! Le monsieur avait l'air tellement expérimenté; Alice pensait qu'il était un militaire d'élite.

- Vous faites partie de quelle armée, monsieur ?

Elle était très curieuse à ce propos, parce qu'elle avait beau le voir comme un super soldat, elle pouvait également l'imaginer dans n'importe quelle unité possible ! Puis, entre-temps, Alice jeta vaguement un oeil aux alentours pour voir si son pépé n'était pas dans les parages. Le connaissant, elle savait qu'il n'aurait jamais pu attendre dehors tranquillement.

Monsieur était instructeur et ex-soldat de l'armée de Terre. Alice ne s'attendait pas vraiment à cette réponse alors elle fit une petite moue. Néanmoins, elle l'idolâtrait toujours autant. Elle ne savait pas vraiment ce que faisaient les cavaliers, comment ils agissaient sur le terrain. Elle ignorait même jusqu'à leur fonction précise. Elle mourrait d'envie de lui en demander plus à ce sujet, mais elle ne voulait pas passer pour une inculte totale.

- Vous serez encore instructeur dans un an ou deux, monsieur ?

La Blondinette avait l'espoir de le recroiser dans le futur, qui sait ! Ce n'était pas si inenvisageable que ça. Alice se disait que ça ne lui déplairait pas d'avoir un instructeur comme lui. Un monsieur spécial.

Puis l'homme revint à la charge. Ce n'était vraiment pas un amateur ! Il savait comment piéger Alice à son propre piège ! Elle qui voulait à tout prix éviter de parler de ses parents ou quoique ce soit du genre, elle était confrontée à une question piège. Elle eut un blanc de quelques secondes avant de répondre en levant les yeux au ciel et en joignant ses deux bras derrière son dos.

- Mhn... moui. Toute seule...

Elle déclara ceci sur un ton mou et nerveux qui semblait dire : "Toute seule, mais pas tout à fait". Elle cherchait à dissimuler le fait qu'elle était venue accompagnée de son pépé. Il n'y avait pas de raison particulière, elle voulait juste ne pas passer pour une "peureuse". La Blondinette avait une fierté ridicule. Mais elle ne pouvait pas éternellement contourner les questions du monsieur, ça paraîtrait louche au bout d'un moment. Après tout, c'était un adulte, il était normal qu'il s'inquiète. Consciente que le monsieur semblait préoccupé par sa situation de vagabonde dans l'épicerie, elle s'empressa de lui gratter une autre information essentielle !

- Puis-je vous demander votre nom, monsieur ?

Alice s'exprima de manière à être très polie et fit un geste de garde-à-vous un peu foireux pour lui témoigner tout son respect de jeune fille. Elle ignorait s'il avait le droit de dire son nom à n'importe qui, surtout à une gamine alors elle ne voulut pas paraître trop rustre. Et même s'il refusait de le lui dire, Alice pensa qu'elle pourrait toujours demander à quelqu'un d'autre. Un instructeur avec cette tête-là, ... ça ne devait pas vraiment courir les rues !