Il était une heure certaine, si ce n'était une certaine heure. Des formes blanches s'agitaient ici et là. Des bruits de chaises et de voix brisaient, de temps en temps, le silence. Les lumières des ordinateurs attiraient tous les regards. En tout cas de ceux qui travaillaient encore. Un crayon au-dessus de sa lèvre inférieure, entrain de faire une grimace à ses fichiers, Mark semblait perdu dans ses pensées.

Ses lèvres s'entrouvrirent. Le crayon tomba sur le bureau. Le blond leva les bras et étira son corps tout en émettant un gémissement. Les gobelets vides de café trônaient sur la droite de son écran. Ils formaient une pyramide prête à se dresser jusqu'au plafond. L'Allemand regrettait de ne pas avoir emporté un jeu de cartes, il aurait pu s'occuper. Il avait l'impression de buter contre un mur. Ce moment où on se trouvait dans le brouillard, où on était incapable de mettre le doigt sur la solution à un problème, parfois très simple.

Faisant tourner son fauteuil, il leva la tête pour fixer le plafond. Revenu à sa position initiale, l'ar grave, il croisa les bras un moment avant de se lever. Il marcha jusqu'à une autre pièce, puis toqua pour attirer l'attention des chercheurs.

« - Excusez-moi, est-ce que Monsieur Landfield est toujours là ? »

Nom d'un chien.
Pas foutu de mettre un processus en condition de marche. Pas foutu de programmer comme il se doit le système IA de l'île. Mais ce n'est pas possible d'être entourés d'empotés, d'incapables qui sortent tout droit de l'école, mais qui souhaitent tout de même montrer qu'ils sont efficaces. MAIS VOUS N'ÊTES PAS EFFICACES, BANDE DE CONS.
Calme. Calme.

Ce qui se passe dans la tête de Kylian est certainement aussi bordélique que les rapports qu'il était en train de lire. Apparemment, un élève à voulu jouer au Rambo face à un drone en phase expérimentale, mais bon sang, que c'était intelligent. Que c'était malin. Oh mieux, un abruti de l'armée de Terre. Étonnement ; zéro.
Bon sang.

« Le prochain tête de con de l'AT ou même de l'AA qui ose s'aventurer dans les labos, vous lui enfoncer une éprouvette dans le cul, est-ce clair ?! » Monsieur à des hommes sous ses ordres maintenant, il aime ça. « Remettez-moi ce drone en marche, immédiatement. Vous avez moins de six heures pour ça ! »

Un Oui monsieur ! précipité de la part de ses jeunes hommes fraîchement promus et bien décidé à ne pas s'attirer les foudres de cet homme dont le pouvoir montait doucement, mais sûrement à la tête. Kylian a passé le plus clair de son temps à analyser et diagnostiquer les réussites de fonctionnement d'un drone de haut niveau. C'est pas pour qu'on foute tout en l'air.

« Monsieur Landfield, on vous demande. » - ... Un bref soupir, mais faut quand même y aller. Avec sa canne, pour ne pas l'oublier.

Une petite tête blonde, de loin, il aurait pu croire que c'était Raphaëlle, mais il en était rien. Juste un autre élève dont les louanges lui fut chanté lors de sa promotion. Mark Schneider.
Voyons, voyons.

« Qu'est-ce qu'il se passe, monsieur Schneider ? » Juste en face de lui, l'invitant à entrer. « Rassurez-moi, un abruti de l'armée ne vous a pas dérangé ? »

Bordel, ça serait le comble.

Ça chauffait comme dirait l'autre. Mark soutenait mentalement l'équipe de chercheurs et tant pis, s'il les dérangeait à un moment critique. Le jeune homme entra en riant doucement. Son problème était plus complexe que ça, même s'il devait bien s'agir d'un être fait de chair et d'os derrière.

« - Oui et non... J'ai un petit malin qui me pourrit la vie. »

Le blond sortit de sa poche, un petit carnet à spirale. Il le feuilleta puis s'arrêta sur une page. Il la tendit à Kylian Landfield. Dessus, il était écrit des noms de fichiers, les jours et l'heure à laquelle ils avaient été sauvegardés puis les jours de leur disparition.

« - J'ai des fichiers qui disparaissent à moitié. Je sauvegarde l'avancée de mon travail mais quand je reviens le lendemain, je me retrouve avec la version précédente. La première fois, j'ai pensé à une erreur de ma part. Mais au bout de la quatrième fois... Quelque chose ne va pas. J'ai fini par faire des copies que je mets sur mon ordinateur personnel et j'ai demandé à des collègues si quelqu'un utilisait ma session, ça n'est pas le cas. »

Une solution de secours n'empêchait pas d'être contrarié, très contrarié. Alors le blond avait espéré que son supérieur puisse l'aider en tant qu'expert informatique.

Bordel de merde.
En effet, c'était pas un jour parfait pour la section scientifique. Qu'est-ce qu'ils avaient tous à avoir un putain de soucis sous le bras ? Bref, soyons indulgent, car visiblement ce n'était pas de sa faute. Kylian saisit le papier en question et effectivement, ce n'était pas normal.

Une fois encore, ça passait. Deux fois, on pense avoir fait une fausse manoeuvre Trois fois, c'est peut-être le pc qui plante. Mais quatre ... M'fin, une petite mise à jour n'était pas de refus pour ce genre de problèmes. Sans pour autant s'éloigner du blondinet, Landfield se tournait vers l'homme sur l'ordinateur.

« Ivan, vérification de l'état de service du bureau de Schneider. » Un bref signe de la tête pour ensuite tapoter sur le clavier, attendre quelques minutes et enfin. « Le système de l'ordinateur ainsi que la machine elle-même de Mark Schneider sont en parfaits état de marche. Aucun bug, virus ou autres dysfonctionnements dans le programme. »

Donc oui, si ce n'était pas la machine, ça doit être organique. Par conséquent, quelqu'un d'ici, puisqu'il a interdit l'accès de ces labos aux couillons de l'armée. Ce qui ne serait pas rare de voir quelqu'un pirater l'autre, par pur jalousie. De ce fait ...

« Hm. Je vais orienter deux caméras en direction de ton bureau, ce soir. Dès demain matin, nous saurons qui fait ça. Jusque là, agit normalement, continue de faire tes copies. » Il lui rendit le rapport sans pour autant lui tourner le dos, c'est ce qu'il aurait fait, d'habitude. « Autre chose, Schneider ? »

Tant qu'à faire.

Ses sourcils se froncèrent au verdict. Tout fonctionnait parfaitement. Alors où était l'explication de ce mystère ? Mark espérait vraiment que la solution de Kylian Landfield mette tout ça en lumière. Tout en reprenant le carnet, le blond lança quelques mots.

« - Ce sera tout Monsieur Landfield, merci beaucoup ! »

Il rangea le carnet tout en adressant un coup d'oeil intrigué aux ordinateurs. Ils travaillaient sur des sujets bien différents et sa curiosité naturelle le poussait à s'intéresser à ces derniers. Mais il ne pouvait plus s'interroger sur tout et n'importe quoi, contrairement à avant. Certaines choses étaient même hors d'atteinte.

Reculant d'un pas, l'Allemand salua le gradé puis sortit, il ne se voyait pas s'imposer plus longtemps dans les parages.