Il avait une tenue de civil. Un jean, un pull noir, des baskets. Les mains dans les poches, il fixait dans le vide.
Mats était là. Il était en face de cette tombe parmi tant d'autre. Qu'avait-elle de particulier comparé à cette de droite ou celle de gauche ? Mats avait connu il y a longtemps un professeur dénommé Freya Wilhelmsson, c'était un professeur de combat rapproché, une blonde. Elle avait la bonne réputation de torturer ses élèves jusqu'à ce qu'il réussisse à faire leur parcours du combattant, mais aussi la réputation d'avoir été un très bon enseignant pour les militaires d'antan.
Malheureusement, la tombe que fixait Mats depuis quelque temps était la sienne. Oui, elle avait péri durant une mission importante. Personne ne connait les détails, même si le jeune homme tente d'en apprendre un peu plus sur la mort de celle-ci ... Un petit bouquet de fleur se trouvait sur la tombe de la demoiselle. Des lys blanches.
Mats l'aimait bien, il n'avait jamais aussi bien combattu grâce à elle. Même si il y a eu des hauts et des bas, surtout des bas ... C'était une personne vraiment honorable. C'est pour ça que durant sa journée libre, il était là, à attendre.
Une voix fit sortir Mats de sa rêverie. Cette personne n'avait donc pas appris la mort de cette femme ? Peut-être, c'était il y a bientôt un an. L'homme tapotait légèrement son épaule, Mats se laissait faire sans vraiment réagir à son geste.
▬ Ouais. C'était ma prof' de combat rapproché depuis trois ans.
Une bonne prof qui lui avait appris tant de chose avec violence. C'était vraiment dommage. Mats posa son regard sur l'inconnu avant de lui retourner la question.
Le gaillard avait l'air émotif, à moins que leur relation n'était pas seulement du combat/combat. Ca pouvait être du combat dans un autre sens, combat homme femme ... Un couple, quoi. Mais il semblerait que Mme. Wilhelmsson n'avait pas de compagnon, que cela ne lui avait jamais intéressé. Enfin bon, d'après Mary, elle avait l'air différente il y a deux ans. Elle était plus joyeuse, plus expressive et moins méfiante.
▬ J'pensais que vous aviez une relation plus poussée. Ceci-dit ... Ce n'sont pas mes affaires.
Même si Mats aurait poussé son enquête plus loin ... Ce n'était ni l'endroit, ni le moment. Face à la question posé par l'homme, Mats réfléchissait quelques instants, levant ses yeux au ciel comme si il pouvait trouver une réponse de là-haut.
▬ Je sens rien. Un peu de tristesse ... Mais pas grand chose. J'ai connu pire comme perte.
Comme ma mère. D'ailleurs, sa tombe ne se trouvait pas très loin d'ici ... Mais Mats préférait attendre avant d'aller la voir.
▬ Vous êtes fragile du cœur, vous. Pourtant vous vivez dans un monde où la mort nous colle systématiquement aux baskets.
L'homme déballa un long discours sur les émotions par rapport aux défunts. Franchement, Mats n'avait pas besoin d'une morale comme la sienne.
▬ J'ai pas envie de me faire dominer par ce genre de sentiment. Je vaux bien mieux que ça.
Pleurer la mort d'une personne, jusqu'à psychoter et avoir des envies de meurtre, de rébellion ... Il n'y a rien de mieux pour rencontrer très rapidement la mort. Se faire envahir par ses propres émotions est une grossière erreur et Mats l'avait très bien compris. Un cœur de pierre ? Non, pas tellement. Mats n'ignorait pas la mort, au contraire il en avait conscience. Le jeune garçon fixait de son regard vide celui de l'homme avait qui il tapait la discussion. Un regard profondément vide.
▬ Ouais, mais je suis bien content de ne pas avoir vu sa mort en face de moi.
Ma mère. Si Mats avait réellement vu sa mort, la sienne qui était idiote, débile, profondément injuste... Le jeune homme ne l'aurait pas supporté. Déjà qu'il ne la pas supporté tout court en apprenant sa mort mais si il l'avait vu en direct ... Ça aurait été l'apocalypse. Elle n'était pas morte telle une bonne militaire comme elle était ... Non. Elle est morte à cause de sa santé.
▬ Et puis j'doute qu'il existe une règle sur le comment se comporter face à un mort.
Non, Mats était heureux d'avoir eu comme dernière image de sa mère celle d'une maman très souriante, heureuse et chaleureuse.
Le coeur qui décide de tout. Bien sûr. Mats avait du mal à croire ça maintenant. Tiens. L'homme se présenta enfin.
Au garde à vous.
▬ Sous-lieutenant. Mats Ek, sixième année en section armée de terre.
Présentation simple, rapide et efficace. Que fallait-il demander de mieux, hein ? Sur ce. Mats s'inclina légèrement en avant, avant de reprendre sa position initiale et de s'éloigner de la tombe du professeur. Voilà, elle était à quatre allées plus loin. Mats s'arrêta en face d'une tombe où un bouquet qui avait été mis dessus était fané. Le jeune homme le prenait en main avant de le jeter à une poubelle non loin de là puis retourna face à cette tombe.
Désolé mais je suis venue bredouille, y'avait plus tes fleurs préférées chez le fleuriste, maman.
Mats restait planté là, immobile telle une statue de cire. Le vent soufflait juste, le vent frais donnait des frissons au jeune homme. Mais Mats leva la tête en direction du ciel en entendant les douces et tendres condoléances de ce Jin Clifford. Un petit rire sortait de la bouche de l'adolescent.
▬ Ça, j'en doute pas un seul instant.
Si il voulait devenir fort, c'était en parti pour sa mère, mais uniquement en petite partie. Le reste ne concernait que lui. Croisant les bras et reposant son regard sur la tombe, il ouvrait sa bouche avant de la refermer. Quelques minutes après, il parlait.
Le jeune homme l'écoutait attentivement, fixant bêtement la tombe sans rien dire ou faire de plus. Non, il écoutait tout simplement. Donc cet homme est venu de son plein gré ici ? Chose rare parmi ceux qui vivent ici.
▬ Ah.
Il laissa un temps avant de répondre à sa question.
▬ Je suis né sur EP-2. Donc j'ai pas eu le choix. C'est pas déplaisant du tout vu que je suis né avec ce régime.
Eh oui, la façon de gouverner de Beal n'étonnait pas tellement Mats, contrairement à ceux qui arrivaient ici sans rien comprendre à leur vie. Chaque état a sa politique, EP a la sienne. Naître sur les îles du projet, l'avenir de Mats était déjà tout tracé. Le jeune homme regarda sa montre avant de poser son regard sur celui de ce Jin et de lui faire un garde à vous sérieux.
▬ J'vais pas vous retenir plus longtemps, j'ai cours dans trente minutes. Sur ceux.