Ce n'est qu'à la sortie de la douche, mes cheveux dégoulinant me collant à la peau du dos et une serviette enroulant mon corps, que j'aperçus l'enveloppe qui traînait à côté de la porte, comme si on l'avais glissée en dessous. Je me penchai pour l'agripper, la déposant sur la table avant d'aller m'habiller. Lorsque ce fut fais, je retournai à la lettre et l'ouvrit, découvrant son contenu avec une certaine perplexité. Un entraînement? Mais pourquoi ils me voulaient moi pour un entraînement? Bon, enfin, je n'allais pas me plaindre, parce que ça ne me permettrait que d'être meilleure, mais bon, c'était tout de même étrange.

La matinée fut longue, mais pas plus que d'habitude. Je devais avouer que j'anticipais l'après-midi avec une certaine anxiété, mais en même temps j'avais hâte. Mais surtout, j'étais curieuse de voir de quoi il était réellement question, et surtout pourquoi moi et pas quelqu'un d'autre. Les minutes s'égrainaient maintenant avec une lenteur exaspérante, tandis que je faisais les cent pas devant la porte d'Infinite Project. J'étais arrivée avec une demie heure d'avance, et j'aurais l'air beaucoup trop impatient d'entrer maintenant.

Je ne pus tenir que vingt minutes, et c'est donc dix minutes en avance que je fis irruption dans le bâtiment. Je sortis la lettre de ma poche, la montrant à une femme qui semblait faire office de réceptionniste, et elle m'indiqua une salle où me rendre. C'est avec un pas rapide que je me dirigeai vers la salle et traversai le couloir. J'ouvris la porte doucement, la refermant derrière moi. La salle était blanche et vide, à l'exception d'un jeune homme qui se tenait au milieu. Son visage me disait quelque chose, et il me fallu bien deux minutes avant de me rappeler qu'il s'appelait Armin, et que c'était un élève d'EP-0 avec qui j'avais parlé une ou deux fois.

Il ne fallu pas très longtemps avant qu'un autre jeune homme entre, lui s'appelait Angel je crois, je lui avais adressé la parole quelques fois aussi. Dès qu'il arriva dans la pièce, j'allais lui poser des questions, mais la salle sembla s'illuminer, m'aveuglant quelques secondes. Dès que je rouvris les yeux, je vis... Du feu. Du feu, partout, qui léchait les murs tout autour de nous.

« Dafuck. »

Et d'après ce qu'ils disaient, les deux autres n'avaient aucune idée de ce qui se passait non plus. Il me fallu quelque secondes avant que l'éventualité que ce soit l'entraînement pour lequel on nous avait convoqué ne me vienne à l'esprit, mais néanmoins la chaleur et les gosses avec nous semblaient bien réels, alors ce n'était pas le temps de se faire les ongles.

Armin sembla avoir la même pensée, si bien qu'il défonça la porte d'un coup de pieds. Il fallait descendre, et vu la hauteur où on semblait être, sauter par la fenêtre ne semblait pas une bonne solution. La seule que je voyais, d'ailleurs, c'était les escaliers. Le jeune homme s'aventura dans le couloir, alors que je pris un des gamins par la main. Ils seraient plus lent que nous, de toute évidence, c'est pourquoi je pris celui que je tenais par la main sur mon dos, jetant un regard derrière pour voir si Angel allait m'imiter.

« C'est plus pratique de les porter. »

Pour l'instant, il valait mieux laisser Armin nous guider, lui qui ne portais pas de gosse.

Pas à pas, nous avançions dans la fournaise. Les escaliers semblaient interminables, descendant pour toujours, alors que notre temps s'égrenait comme dans un sablier. Bientôt, les flammes envahiraient le bâtiment au complet, et nous aurions échoué. Je secouai la tête pour chasser cette éventualité de mes pensées alors que nous descendions les escaliers qui pourraient être dévorés par le feu à leur tour d'une seconde à l'autre.

Mais je n'eus pas tellement le temps de broyer plus de noir, parce que soudainement, comme sortant de nulle part - je n'avais pas eu le temps de voir d'où il était arrivé - un homme masqué surgit et bondit vers Armin. Surprise sur le coup, je laissai le gosse que je portais tomber par terre, espérant qu'il atterirait sur ses pieds, bondissant à mon tour dans la direction de l'inconnu. C'était totalement imprudent; je n'avais même pas eu le temps de voir s'il était armé ou non, mais je m'étais littéralement jetée sur lui, le mettant à terre alors qu'il venait tout juste d'arriver à la hauteur d'Armin.

C'était à son tour d'être pris au dépourvu, mis à terre par une blonde en furie. Je ne perdis pas de temps et mon premier coup frappa son nez de plein fouet, mais il était entraîné; cette douleur, même si elle devait être d'une bonne force, ne le sonna qu'un peu, lui laissant l'occasion de m'éjecter de sur lui et de m'envoyer plus loin. En deux temps trois mouvements, j'étais debout, et prète à continuer à combattre. C'est à ce moment que j'entendis des pas un peu plus loin, d'apparement quelqu'un qui courrait.

« On est encerclés?! »

Je n'eus cependant pas le temps de réfléchir à cette possibilité que l'autre revenait à la charge. Pas le temps de penser à de futurs problèmes, l'important pour l'instant c'était mon adversaire présent. Il s'élança dans ma direction, sans avoir pourtant sorti d'arme - c'était du moins ce qu'il me semblait - ce qui était étrange. Enfin, je me reconcentrai et parai son premier coup, puis le deuxième, mais je savais que je ne pouvais pas tenir indéfiniment. Je repérai rapidement une ouverture et frappai, touchant l'homme masqué aux côtes. Il riposta rapidement avec un uppercut fulgurant, qui me fit me mordre la langue. Me remettant beaucoup plus vite du choc que ce que mon adversaire avait prévu, je ripostai à mon tour avec un crochet du droit qui eu le mérite de le surprendre. Je me baissai immédiatement pour lui faire un croche-patte qui fut efficace, si bien que l'homme tomba, et d'un coup de pied à la tête, je l'assomai.

« Allez, on descends, vite, j'en ai entendu d'autres. »

Je pris le gamin lâché auparavant sur mon dos et nous repartîmes vers les étages plus bas.

Des coups de feu maintenant? Ce n'était pas qu'un bâtiment enflammé, mais aussi un bâtiment attaqué. Et nous qui devions sortir avec des gosses... Lorsqu'Armin me fit signe de le suivre, je le fis. Nous devions descendre cet homme, au risque de se prendre une balle dans la tête. Mais c'était ça, ou il continuait de nous poursuivre, alors le choix était vite fait.

Mais nous eûmes à peine le temps d'avancer qu'un crac sonore se fit entendre. Une demie seconde plus tard, le plafond s'effondrait et le gamin que je portais auparavant me sautait dans les bras. Je l'attrappai, manquant de basculer vers l'arrière, et vit avec horreur le mur formé entre moi, Armin et le gamin et Angel et son propre gamin. Il fallait le sortir de là. Plus nous restions ici, plus il faisait chaud. Et lorsque le jeune homme de mon côté annonça son plan à l'autre, je ne pus qu'aquiescer.

Il prit le gamin et nous sortîmes. Marchant lentement, j'avais peur qu'on nous tire dessus à nouveau, mais qui qu'il soit, notre assaillant semblait soit nous avoir perdu de vue, soit être simplement parti plus loin pour mieux nous prendre en ambuscade. Nous devions être très, très prudent. Notre vie et celle de deux enfants en dépendaient. Par chance, nous pûmes nous rendre à l'appartement d'à côté sans encombre. C'est à ce moment là que je me rendis compte à quel point ma langue me faisait mal suite au coup de notre premier adversaire. J'avais le goût du sang dans ma bouche, et ce n'était pas spécialement agréable.

Je secouai la tête pour chasser ces pensées et me concentrer sur la fenêtre que nous devions briser pour qu'Angel nous rejoigne. Elle semblait plutôt dure et épaisse, mais pas incassable. Je regardai autour, cherchant quelque chose qui nous permettrait de casser la vitre. Mon regard passa sur une chaise, un canapé, une petite table... Mon choix s'arrêta sur la chaise, que j'aggrippai et lançai de toutes mes forces contre la fenêtre. On entendit un crac, mais elle n'était que fendue. Je dus m'y reprendre à trois fois avant de réussir à pulvériser le verre. C'est que les fenêtres sont résistantes ici.

Maintenant, il ne restait plus qu'à attendre Angel, si toutefois il était en vie.

On attendais et on attendais, sans signe de vie de qui ou de quoi que ce soit. L'air se faisait de plus en plus lourd et la chaleur de plus en plus étouffante. Il faisait si chaud qu'il semblait qu'il y avait une bordure rouge-orange aux limites de ma vision, comme une barre de vie dans un jeu vidéo. Je me disais que nous ne pourrions pas rester ici à attendre Angel indéfiniment, et il commençait à être long à venir. Peut-être ne viendrait-il tout simplement pas, peut-être était-il mort. À vrai dire, le sort du gamin m'importait plus que celui du jeune homme, même si je connaissais un peu ce dernier et pas le gosse. Ce n'était ici pas une question de connaître quelqu'un, mais bien de la vie d'un jeune homme ayant probablement passé dix-huit ans contre celle d'un gamin de quoi, genre, huit ans? Pour moi, le choix était facile; l'enfant avait encore beaucoup de temps à vivre, du moins plus qu'Angel, et donc plus à perdre. Enfin, là n'était pas la question, et je fis brusquement volte-face lorsqu'un grand craquement retentit à nouveau et qu'un frigo tomba du plafond, enfin du plancher de l'étage plus haut.

Armin sembla alors prendre une décision, et annonça qu'on ne devait pas gaspiller notre chance, puisqu'on avait laissé la sienne à Angel. J'acquiesçai doucement et le suivi alors qu'il sortait de cet appartement où le feu commençait à se répandre à cause de la chute du plafond. Nous nous engouffrâmes dans un escalier, le brun tirant le gamin à sa suite. Nous devions descendre, et vite, pour enfin sortir de ce fourneau. Il faisait encore plus chaud dans les escaliers, puisque la chaleur a tendance à monter et que ceci était le plus grand passage, la porte grande ouverte en plus. La sueur perlait sur mon front et il devenait de plus en plus difficile de respirer. Je n'avais qu'une envie, c'était de sortir d'ici au plus vite, et vivante de préférence.

Et c'est au moment précis où j'eus cette pensée qu'une balle siffla près de moi et alla faire éclater quelque morceaux de mur.

« ENCORE?! »

Aucun échapatoire en vue, nous étions coincés. Il fallait encore descendre une ou deux volées de marches avant d'atteindre la première porte, qui ne garantissait même pas un endroit où se terrer. Je me retournai, espérant qu'Armin continuerait son chemin, fouillant l'endroit des yeux. Je ne voyais pas tellement d'endroit où se cacher, et comme nous étions une volée de marche trop bas et que l'escalier était en spirale l'attaquant n'avait pas pu nous atteindre de la porte. Mais où pouvait-il bien être tapi pour être aussi introuvable et presque nous toucher? C'était comme un casse-tête auquel il manquait un morceau. Ce morceau; la connaissance de la technologie de l'ennemi. Nous n'arriverons jamais à rien sans en connaître au moins un minimum sur qui nous attaquait.

Mais ce n'était pas le moment de penser, je rejoignis donc le brun et nous courûmes, descendant les escaliers deux par deux malgré les grandes chances de se péter la gueule; trébucher et s'étaler par terre semblait être une meilleure solution que se faire transpercer d'une balle dans le crâne. Malgré que nous vîmes un étage passer, nous continuâmes de descendre, espérant bientôt arriver à la base de cet immeuble pour en sortir, même si nous laissions derrière Angel et un enfant et que l'ennemi semblait ramper aux limites de ma vision.

C'était infernal. Nous nous faisions attaquer de pratiquement tous les côtés, sans pouvoir se défendre, il faisait effroyablement chaud et en plus nous devions trainer un gamin avec nous. Les chances de s'en sortir vivants étaient de plus en plus minimes à mesure que nous avançions, mais ça ne faisait en réalité que nous rendre plus efficace; le pouvoir de l'adrénaline. Au moins, ça nous donnait le pouvoir de continuer, d'avoir des chances de survie, et c'était ça l'important après tout.

Et enfin nous arrivions en bas, à la base du bâtiment... Seulement pour être accueillis par une porte barrée d'un énorme cadenas. Une vague de découragement m'envahi un instant, mais je me resaisis rapidement, juste à temps pour le commentaire d'Armin. Je laissai échapper un petit ricanement, et je tendis l'oreille lorsqu'il me demanda si j'entendais ce qu'il entendait... Des pleurs d'enfant. Une autre raison de remonter, parce que nous ne pouvions passer par là de toute manière.

Je me mis donc à monter les escaliers quatre à quatre, montant sur l'étage au dessus, suivant mon ouïe pour essayer de me rapprocher du gamin restant. Je finis par arriver dans un appartement dévoré par les flammes, dans lequel le gamin se tenait, le plus éloigné possible du feu, et il me semblait distinguer un corps dans le brasier. Peut-être ne voyai-je pas bien à cause de la chaleur, mais le temps n'était pas aux questions; je bondis pour aller chercher le gosse et le pris dans mes bras, sortant ensuite de l'appartement. Il ne semblait pas blessé, et moi non plus, alors je le posai par terre et cherchai des yeux une façon de nous évader. Jusqu'au moment où un homme masqué brisa une porte et bondis sur Armin, complètement pris au dépourvu. Je bondis à mon tour vers l'assaillant, qui me vit à peine arriver et se pris mon coup de poing en pleine mâchoire. Cependant ça ne l'arrêta pas et il riposta très rapidement par son propre poing dans mon ventre, ce qui me fis me courber, et il en profita pour m'envoyer son genou en plein nez. Je m'écroulai, étourdie de douleur, mais je repris mes esprits et sautai sur mes pieds.

Je ne faisais pas le poids; je le savais, mais que pouvais-je faire? Il n'y avait pas d'arme à proximité, et je ne pouvais qu'esquiver les coups de mon adversaire sans trouver le temps de riposter. Du sang coulait abondament de mon nez, laissant un goût désagréable dans ma bouche, et je vis alors, entre deux coups, que la porte que notre attaquant avait brisée était celle donnant sur les escaliers de secours, qui étaient à l'extérieur.

« ARMIN, LA PORTE! »

Moment de distraction qui laissa à mon ennemi le temps de m'asséner un solide coup de poing sur la mâchoire.